complément
La matrice d'absorbance (ou de toute mesure analogue) constitue une sorte de film de la réaction : chaque ligne représente, par le spectre d'absorption, une image instantanée au temps t, le nombre de lignes correspond à l'échantillonnage dans le temps. Soit Alm cette matrice, l étant le nombre de lignes, c'est-à-dire de mesures dans le temps, et m le nombre de colonnes, c'est-à-dire de points de mesure, ici de longueurs d'onde. L'équation VII.7 peut s'écrire sous forme matricielle :
Alm = Cln Enm (7bis)
Cln étant la matrice des
concentrations des n espèces aux l temps de mesure
Enm étant
la matrice des coefficients d'extinction molaire de ces espèces aux m longueurs d'onde . On suppose l >
n et m > n.
Le rang d'une matrice est le nombre de vecteurs lignes ou colonnes
linéairement indépendants qui la composent. Ainsi rang(Cln) correspond au nombre de variables
de la réaction, d'espèces, linéairement indépendantes. L'équation 7bis a
pour corollaire :
rang(Alm) ≤ min(rang(Cln), rang(Enm)) (7ter)
Ainsi, le rang de la matrice d'absorbance, rang(Alm), nous renseignera sur le nombre
minimum d'espèces linéairement indépendantes. Cependant il peut y en
avoir plus. Pour s'en convaincre, il suffit d'envisager le cas où seule une
espèce absorbe dans le domaine spectral balayé : rang(Alm) = 1, quel que soit le nombre
d'espèces, indépendantes ou non. Le rang de la matrice d'absorbance indique
également le nombre d'espèces réellement suivies par ces mesures.
Ainsi, en étudiant le rang de diverses sous-matrices obtenues en supprimant
certaines colonnes, on devrait pouvoir déterminer le choix le plus judicieux
des longueurs d'onde à retenir. C'est en toute rigueur le type d'analyse que
l'on devrait effectuer. Cependant, il s'agit là d'une vue toute théorique.
En effet, sans rentrer dans le détail, les algorithmes utilisés pour
calculer le rang d'une telle matrice consistent à en calculer les valeurs
propres (par exemple par la méthode de Jacobi) et les résiduels associés. Le
rang qui nous intéresse serait alors le nombre de valeurs propres dont le
résiduel associé est supérieur à l'écart type des mesures. Ainsi, dans les cas
très favorables, on peut observer une différence d'ordre de grandeur nette
entre les résiduels, élevés, dus aux espèces indépendantes et ceux, beaucoup
plus faibles, dus au bruit. Malheureusement, le plus souvent la transition des
uns aux autres est progressive et il n'est pas possible de déterminer combien
de valeurs propres correspondent aux espèces indépendantes.
Si l'analyse du rang des matrices d'absorbance n'est que rarement utile en
pratique, il n'en reste pas moins que les concepts abordés ici sont très
importants et devraient rester toujours présents à l'esprit, en particulier
lorsqu'on choisit des longueurs d'onde de mesure.
Naturellement, ces considérations s'appliquent à toute matrice de résultats pouvant s'exprimer sous une forme analogue à l'équation 7bis. Par exemple, A pourrait désigner aussi bien l'intensité relative de fluorescence. Ou bien, la variable indépendante pourrait être la concentration d'un additif au lieu de la variable temps.